ºìÁì½í¹Ï±¨

Close search bar

Au secours de la médecine familiale — Dre Jane Philpott et Dre Tara Kiran

25 min | Publié le 27 mai 2024

Dans un contexte d’exode des médecins de famille, épuisés par la lourde charge de travail, le stress financier et la difficulté à obtenir des consultations pour leurs patients, un Canadien sur 5 n’a pas un accès direct aux soins de santé primaires. Pourquoi la médecine familiale est-elle si importante et que faire pour porter secours à ce secteur surchargé? L’animatrice Avis Favaro reçoit 2 médecins qui disent savoir comment renverser la situation. Selon elles, chaque Canadien devrait avoir droit à des soins de santé de base à proximité de son domicile. Nos invitées :

  • Dre Jane Philpott, doyenne de la Faculté des sciences de la santé et directrice de l’école de médecine de l’Université Queen’s, médecin de famille et ancienne ministre fédérale de la Santé
  • Dre Tara Kiran, titulaire de la chaire Fidani en amélioration et en innovation à l’Université de Toronto et médecin de famille et scientifique à l’Hôpital St. Michael’s, Unity ºìÁì½í¹Ï±¨ Toronto

Cet épisode est disponible en anglais seulement.

Transcription

Avis Favaro
Un Canadien sur 5 n’a pas de médecin de famille ou d’infirmière praticienne. Ils n’ont personne à qui s’adresser lorsqu’ils sont malades. Il n’y a personne pour prescrire des examens préventifs permettant d’éviter des maladies comme le diabète ou de détecter des cancers en vue d’un traitement précoce.

Il s’agit d’une crise dans le domaine des soins primaires, car les médecins de famille prennent leur retraite ou quittent leur profession pour d’autres spécialités parce qu’ils sont épuisés par la charge de travail administratif, la difficulté à obtenir des consultations pour leurs patients et le stress financier.

Dans l’épisode d’aujourd’hui, 2 femmes disent savoir comment renverser la situation tout en communiquant le message que chaque Canadien vivant en milieu urbain ou rural devrait avoir le droit de bénéficier de soins de santé de base à proximité de son domicile.

Dre Jane Philpott, ancienne ministre fédérale de la Santé, médecin de famille et doyenne de la Faculté de médecine de l’Université Queen’s, est l’auteure d’un nouvel ouvrage intitulé ºìÁì½í¹Ï±¨ for All.

Jane Philpott
Nous pensons que chaque Canadien devrait être rattaché à une équipe de soins primaires financée par l’État dans son quartier. Et il ne s’agit pas d’une utopie. C’est ce que font d’autres pays depuis un certain temps.

Avis Favaro
Nous recevons également la DreTara Kiran, médecin de famille et chercheuse au Centre MAP pour des solutions de santé urbaine de l’Hôpital St. Michael’s de Toronto. Elle a lancé un programme appelé NosSoins, qui s’appuie sur des données montrant ce que les Canadiens attendent de la médecine de premier recours, avec un plan pour y parvenir rapidement.

Tara Kiran
J’aime à penser que d’ici un à 2 ans, nous pourrons constater une grande différence, mettre des fonds à la disposition des gens pour soutenir l’infrastructure et la mise en place de nouvelles équipes dans les collectivités où cela serait bénéfique.

Avis Favaro
Bonjour et bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Nous l’appelons CHIP, en anglais. Je suis Avis Favaro, et j’anime cette discussion.

Remarque : Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut canadien d’information sur la santé, mais il s’agit d’une discussion ouverte. La discussion d’aujourd’hui porte sur 2 médecins qui ont pour mission de vous trouver une clinique médicale à votre mesure.
C’est un plaisir de vous accueillir, DrePhilpott et DreKiran. Merci de votre présence.

Jane Philpott
Merci de l’invitation.

Tara Kiran
Merci de l’invitation.

Avis Favaro
Ma première question est la suivante : à quelle fréquence vous demande-t-on de l’aide pour trouver un médecin de famille?

Jane Philpott
Je reçois des demandes d’aide du grand public, de gens à l’épicerie et à l’université. C’est une demande très fréquente, et je reçois également beaucoup de courriels à ce sujet.

Avis Favaro
Wow. Et vous, DreKiran, que ressentez-vous lorsqu’on vous aborde à ce sujet? Parce que tous les amis médecins que je connais se font solliciter tous les jours.

Tara Kiran
Oui. Je trouve ça très difficile parce que mon instinct me pousse à essayer d’aider les gens. Et je pense qu’à une certaine époque, il aurait été plus facile pour moi de dire : « OK, oui, je sais qu’il y a un cabinet qui accepte des patients », ou encore : « Téléphonez à mon cabinet, il y a des médecins qui prennent de nouveaux patients ou j’ai peut-être de la place », mais de nos jours, c’est très difficile.

De nombreux gouvernements ont mis en place une ligne 811 qui permet aux gens de s’inscrire sur une liste d’attente, mais nous savons que ça ne fonctionne pas. Nous savons que de nombreuses personnes, lorsqu’elles sont inscrites sur ce type de liste d’attente, attendent souvent 5 ou 10 ans, et on leur dit explicitement que c’est le temps d’attente.

Avis Favaro
C’est assez intéressant parce que lorsque nous préparions ce balado, sur les 4 femmes qui en discutaient, 3 n’avaient pas de médecin de famille, une risquait de perdre le sien, et je vis dans la crainte constante de perdre mon médecin. Je crois que les dernières données font état de 6,5 millions ou plus de personnes sans médecin.

Dre Philpott, pourquoi la médecine familiale, les soins de première ligne sont-ils importants?

Jane Philpott
La médecine familiale fait donc partie de ce que nous appelons les soins primaires, qui constituent la porte d’entrée du système de santé. C’est le premier endroit où les gens devraient se rendre pour recevoir des soins continus, complets, coordonnés et axés sur la personne.

Les pays ou les régions du monde où les soins primaires sont accessibles à tous sont ceux qui obtiennent les meilleurs résultats pour la santé et bénéficient des coûts les plus abordables. Ces résultats s’expliquent par le fait que les problèmes sont traités avant qu’ils ne surviennent, que l’on y fait la promotion de la santé et des meilleurs résultats pour la santé, et que l’on assure un suivi pour les maladies chroniques.

Au Canada, c’est 22 % de la population qui ne bénéficie pas d’un accès à la porte d’entrée du système de santé. C’est un nombre considérable.

Avis Favaro
Que montrent les recherches, DreKiran, sur le fait que des gens ne peuvent pas entrer dans le système de santé?

Tara Kiran
Nous avons réalisé cette enquête en 2022 [inaudible] auprès de gens de partout au pays. Nous avons découvert que plus d’une personne sur 5 n’a pas accès à un médecin de famille ou à une infirmière praticienne qu’elle peut consulter régulièrement.

Et je tiens à souligner que la situation est pire dans certaines régions. C’est donc plus d’une personne sur 5 dans l’ensemble du pays, mais au Québec et dans des régions arctiques, c’est presque une personne sur 3. En Colombie-Britannique, c’est plus d’une personne sur 4. C’est vraiment horrible de penser que tant de personnes n’ont pas accès au système de santé.

Cela signifie que ces personnes sont privées de soins préventifs, mais aussi de soins liés à leurs maladies chroniques. Cela signifie aussi qu’elles ont de la difficulté à accéder à d’autres secteurs du système de santé pour y obtenir les soins dont elles ont probablement besoin, par exemple, voir un spécialiste ou subir un examen.

Je pense que le problème d’accès entraîne des coûts plus élevés. Il est évident que si les gens ont accès à des soins primaires, il en coûte moins cher à la société, mais si les gens sont en moins bonne santé et ne bénéficient pas de soins primaires, les coûts augmentent.

Avis Favaro
Je vous vois hocher la tête, DrePhilpott. À quoi pensez-vous? Vous êtes au courant. Non? Vous savez ce qu’il en est.

Jane Philpott
Oui, tout à fait. Il n’est pas nécessaire d’être un professionnel de la santé pour comprendre que la prévention est la meilleure solution. Si l’on peut dépister le cancer et le détecter lorsqu’il est petit, on peut souvent le traiter et possiblement le guérir. Si une personne se présente aux urgences avec un cancer de stade 4 parce qu’elle n’a pas de médecin de famille pour s’occuper d’elle, elle a très peu de chances de s’en sortir, comme l’a dit la DreKiran. Des gens vont donc mourir prématurément.

Tara Kiran
J’allais également dire que la situation empire vraiment, Avis. Vous avez mentionné que plus de 6,5 millions d’adultes n’ont pas de médecin de famille, mais nous savons aussi que de plus en plus de diplômés en médecine ne choisissent pas la médecine familiale. Nous savons que les personnes formées en médecine familiale quittent leur cabinet. Et nous savons qu’une grande partie de la main-d’œuvre a plus de 65 ans et doit bientôt prendre sa retraite.

Avis Favaro
DreKiran, vous avez essayé de prendre le pouls des Canadiens qui sont confrontés à cette situation désastreuse. Votre programme NosSoins a pu fournir de nombreuses données lorsque les Canadiens ont répondu aux questions clés que vous leur avez posées. Que veulent les personnes à qui vous avez parlé?

Tara Kiran
Oui. Ce merveilleux projet m’a permis, au cours des 20 derniers mois, d’entendre des gens de partout au pays. Ces gens veulent que tout le monde ait accès aux soins primaires, peu importe l’endroit où ils vivent, leur origine, leur langue et leurs capacités. Ils veulent s’assurer que tout le monde ait accès aux soins primaires. Ils ont constaté que notre système n’était pas à la hauteur et ont formulé des recommandations pour l’améliorer.

Avis Favaro
Au fait, j’étais l’une des personnes qui ont répondu à ce sondage. C’est pourquoi j’ai entendu parler pour la première fois de l’idée dont nous allons discuter.

Pour les personnes qui ne savent pas ce que vous proposez, DrePhilpott, vous voulez que les soins primaires soient un droit. Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire?

Jane Philpott
Nous avons utilisé cette métaphore qui est très facile à comprendre et qui aide les gens à imaginer qu’il est possible qu’un jour, tout le monde ait accès aux soins primaires, même si parfois, le problème semble insurmontable.

Nous leur disons ensuite que nous avons mis au point un système dans notre pays qui prévoit que chaque enfant doit avoir accès à une école primaire et secondaire financée par des fonds publics. Et quel que soit l’endroit où vous vous installez, vous n’avez pas à vous inquiéter de savoir si vous allez pouvoir inscrire votre enfant à l’école, car nous avons mis en place un système universel d’accès à l’enseignement public.

C’est ce que nous voulons pour les soins primaires. Tara et son équipe sont allés beaucoup plus loin. Ils ont présenté ce à quoi ce système devrait ressembler et ce que devrait être le standard de soins primaires. Mais nous pensons que chaque Canadien devrait être rattaché à une équipe de soins primaires financée par l’État dans son quartier. Et il ne s’agit pas d’une utopie. C’est ce que font d’autres pays depuis un certain temps.

Avis Favaro
DreKiran, lorsque vous avez mené vos recherches auprès de plus de 9 000 personnes, où ces personnes ont-elles dit qu’elles voulaient ces soins? Et à quoi ces soins devraient-ils ressembler?

Tara Kiran
Chaque personne devrait avoir une professionnelle ou un professionnel de soins primaires qui est rattaché à une équipe de professionnels de la santé. Pourquoi une équipe? Parce qu’elles ont reconnu que les soins en équipe étaient un moyen d’alléger la charge de travail des dispensateurs de soins, mais aussi de fournir des soins plus holistiques et d’accroître la capacité du personnel de soins primaires à servir davantage de personnes.

Avis Favaro
Est-ce que cela inclut les infirmières praticiennes?

Tara Kiran
Les personnes consultées étaient ouvertes à l’idée que les infirmières praticiennes soient leur professionnelle responsable. Elles étaient également très ouvertes à l’idée que leur médecin de famille puisse être associé à d’autres professionnels de la santé comme des travailleurs sociaux, des pharmaciens, des diététistes ou des infirmières, et qu’elles puissent consulter ces autres professionnels à la place du médecin, si ce dernier le jugeait approprié.

Il ne suffit pas d’avoir un médecin. On doit pouvoir le voir lorsqu’on en a besoin. On doit pouvoir le voir en dehors des heures de travail ou pendant la fin de semaine. Les gens ont aussi parlé d’un autre élément important : ils veulent un système axé sur le bien-être, et non sur la maladie. Ils veulent donc que ce système de soins primaires soit relié aux services communautaires et sociaux.

Nous avons également entendu à maintes reprises les gens se plaindre du fait de ne pas avoir accès à leur propre dossier médical. En effet, ils ont de la difficulté à s’orienter dans le système de santé, à faire avancer leur dossier et à obtenir les soins dont ils ont besoin. Les gens ont donc été très clairs : nous devons remédier à cette situation. Chacun doit avoir accès à son propre dossier.

Avis Favaro
À l’heure actuelle, dans la plupart des régions du pays, il faut chercher un médecin ou une infirmière praticienne. C’est un peu comme dans The Hunger Games où l’on essaie de trouver quelqu’un qui s’occupera de nous. Il faudrait faire table rase du système actuel et en créer un nouveau.

Tara Kiran
C’est une façon de voir les choses. C’est un peu comme si l’on faisait exploser le système. Mais je pense qu’il est possible de répondre aux besoins là où ils se trouvent. Plus de 6,5 millions de personnes n’ont pas de médecin de famille ou d’infirmière praticienne qui puisse les voir régulièrement. Commençons par cela. Créons un système qui fonctionne au moins pour ces personnes. Ensuite, nous pourrons graduellement procéder à des changements. Mais ce que nous disons, c’est que quelqu’un doit prendre en charge ces personnes qui n’ont pas de soins.

Jane Philpott
Je serais d’accord avec Tara, vous savez... Je ne veux pas utiliser l’image de l’explosion parce que pour certaines personnes, le système fonctionne. Mais nous avons ce nombre considérable de personnes qui n’ont accès à rien. La première chose à faire est de mettre en place le nouveau modèle où des équipes interdisciplinaires de soins primaires financées par l’État pourront ainsi commencer à offrir des soins aux personnes qui ne sont pas actuellement rattachées à un dispensateur de soins primaires. Cette étape semble ainsi un peu moins compliquée.

Avec le temps, si les dispensateurs de soins primaires, y compris les médecins de famille, commencent à voir qu’il s’agit d’un mode d’exercice très attrayant, de plus en plus de nouveaux diplômés commenceront à choisir la médecine familiale parce qu’ils se diront : « Oh, ne serait-ce pas formidable? J’aimerais beaucoup travailler dans l’un de ces établissements. » Nous les formons aux soins en équipe, mais ils n’ont aucun moyen d’offrir des soins en équipe.

C’est donc progressivement, au fil du temps, que ce type de modèle répondra aux besoins. Je pense qu’il est tout à fait réaliste d’imaginer que ce modèle devienne la façon habituelle d’offrir des soins primaires au pays.

Avis Favaro
Comment le personnel serait-il rémunéré?

Tara Kiran
J’ajouterai que dans d’autres pays, comme la Norvège ou les Pays-Bas, les omnipraticiens sont encore vus comme des petites entreprises et sont rémunérés à l’acte dans une certaine mesure, mais aussi sous une forme ou une autre de capitation. Il s’agit donc d’un paiement par patient et par an, et pas seulement d’un paiement par visite. Il existe donc une sorte de financement mixte. Mais la différence réside en partie dans le fait que les gouvernements garantissent réellement l’accès des résidents du pays aux soins primaires.

Avis Favaro
Si nous avons fait appel à vous, c’est parce que vous avez chacune une profonde passion pour la réforme du système. Vous souhaitez améliorer la situation de votre vivant, je suppose.

Avez-vous appris à vous connaître grâce à cette mission? Comment se fait-il que vous disiez toutes les deux la même chose alors que l’une est à l’Université Queen’s et l’autre est dans le réseau Unity ºìÁì½í¹Ï±¨ Toronto?

Jane Philpott
Je peux répondre à cette question. Je connais Tara depuis plusieurs années. Avant qu’elle ne lance sa consultation NosSoins et avant mon arrivée à l’Université Queen’s, nous faisions toutes les deux partie du Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto. Nous nous connaissons donc depuis un certain temps.

Les idées que Tara et moi avons défendues et que nous avons eu l’occasion d’exprimer dans la sphère publique sont des idées dont beaucoup de nos collègues parlent depuis un certain temps.
En fait, l’idée d’utiliser la métaphore de l’école publique pour présenter aux gens notre modèle selon lequel chaque Canadien dispose d’un centre de soins primaires fait l’objet de discussions depuis un bon bout de temps. En fait, certains de nos collègues ont rédigé un article très important, paru il y a une dizaine d’années, qui décrit ce concept.

Je pense que l’avantage que Tara et moi avons maintenant, c’est que nous avons pu diffuser ces idées déjà bien connues dans les cercles universitaires et les faire connaître au grand public. Tara l’a fait dans le cadre de son processus de participation citoyenne et, pour ma part, en publiant un livre destiné au grand public.

Je pense que nous pouvons dire que nous sommes ravies. Je pense que Tara partage ma joie de voir que les Canadiens de tout le pays parlent davantage de cette idée, du fait que tout le monde a droit aux soins primaires, et qu’il n’y a plus seulement des médecins ou des universitaires qui discutent du fait que nous devrions faire beaucoup mieux.

Avis Favaro
D’accord. Vous avez donc une prescription sur la façon de procéder. Qui est censé mettre ces idées en œuvre? Et comment? DrePhilpott?

Jane Philpott
Comme vous le savez, j’ai fait carrière en politique pendant quelques années. Je réfléchis donc à l’aspect politique de la question et à ce qui est possible, car, comme je l’ai dit, l’idée n’est pas nouvelle. Ce que nous n’avons pas vu, c’est une volonté politique forte pour y parvenir. Et donc...

Avis Favaro
Pourquoi? Pourquoi?

Jane Philpott
C’est une excellente question, et je ne sais pas si vous avez lu la partie du livre où j’en parle, mais je propose quelques théories pour expliquer pourquoi les gouvernements n’ont pas pris ce problème à bras-le-corps. C’est une tâche énorme. Nous ne pourrons pas réaliser le rêve de voir chaque Canadien disposer d’un centre de soins primaires en l’espace de 4 ans. Les politiciens ont peur de faire des promesses qu’ils ne pensent pas pouvoir tenir au cours d’un cycle électoral.

Et dans une certaine mesure, je dirais que les politiciens ont tendance à vouloir respecter la volonté des électeurs. L’une des choses qui m’enthousiasment, c’est que le fait de parler davantage de l’accès aux soins primaire permet aux gens de voir ce qui est possible. Et comme de plus en plus de gens voient ce qu’il est possible de faire, ils s’adresseront aux politiciens, ce qui, espérons-le, se traduira par la volonté politique nécessaire pour régler le problème d’accès aux soins primaires.

Je pense qu’il y a une crainte que ce soit — vous savez, les gens se disent que si c’est un meilleur système, il va coûter plus cher. En réalité, les pays mentionnés par Tara dépensent moins que nous par habitant pour la santé, mais disposent d’un meilleur système de soins primaires et, par conséquent, ont de meilleurs résultats pour la santé. Dans les faits, nous n’aurons pas, en fin de compte, à dépenser plus. Nous devrons toutefois réaffecter une plus grande partie des fonds en santé vers les soins primaires, plutôt que d’attendre que les gens soient plus malades et aient besoin de soins liés à leur maladie.

Avis Favaro
L’idée d’une loi canadienne sur les soins de santé primaires est l’une des questions intéressantes qui font l’objet de discussions. À cela s’ajoute le fait que les gens ont le droit de bénéficier de soins primaires. Faut-il commencer par une loi ou une sorte d’énoncé de mission, au fédéral et au provincial? Qui veut répondre à cette question?

Jane Philpott
J’aimerais y répondre en premier. J’émets l’hypothèse que c’est ce que nous devons faire, parce que ce n’est pas comme si personne n’y avait pensé auparavant et que les gens n’en voulaient pas. Mais nous n’avons jamais eu de loi fédérale qui dit que tout le monde a ce droit, qu’il sera financé et qu’il y aura un mécanisme pour savoir ce qui se passera si les provinces et d’autres administrations ne respectent pas ce droit.

Avis Favaro
J’aime l’idée d’une déclaration de mission fédérale qui sera transmise. DreKiran, où voulez-vous en venir? Que voulez-vous qu’il se passe ensuite?

Tara Kiran
Oui. Comme le disait Jane, il faut que les gouvernements de tout le pays s’engagent à ce que 100 % de la population ait accès aux soins primaires. Et je dis cela parce que je pense qu’il y a une grande différence entre viser, disons, de 80 à 85 % ou 75, 80 % et dire, en fait, nous allons concevoir un système qui couvre 100 %. Je pense que cela signifie dépenser plus d’argent dans le système public.

En fait, tous les pays de l’OCDE où 100 % de la population a accès aux soins primaires dépensent plus que nous dans le système public en proportion de leur budget total de santé. Nous nous situons au bas de l’échelle [30 %]. Nous devons donc consacrer une plus grande part des fonds en santé pour les soins primaires. Nous sommes également en queue de peloton pour ce qui est de la part des dépenses totales de santé consacrée aux soins primaires.

Comme nous l’avons dit, nous devons élargir les équipes. C’est la seule façon de disposer d’une main-d’œuvre capable d’accomplir cette tâche ou de réaliser cette vision. Et l’une des choses les plus importantes que nous devons faire est un changement complet de paradigme pour garantir que notre système de soins primaires soit responsable. C’est l’une des recommandations les plus fortes que nous avons entendues de la part de nos concitoyens.

Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie que nous devons agir en toute transparence sur la manière de dépenser les fonds et sur ce que nous obtenons en retour. Cela signifie aussi que les citoyens sont impliqués dans la gouvernance, depuis les décisions prises au sommet. Par conséquent, si nous devons adopter une loi sur les soins primaires, ils devraient être impliqués dans la mise en place de cette loi. Mais une équipe peut être régie de telle sorte que... vous savez, quels sont les services fournis par une équipe? Ensuite, nous devons responsabiliser et éduquer les patients et le public afin qu’ils se sentent vraiment en confiance dans le système et prendre soin d’eux-mêmes.

Avis Favaro
Je pense que beaucoup de gens se sentent impuissants. J’espère juste que mon médecin... je lui dis merci, et s’il vous plaît, ne prenez pas votre retraite. Qu’est-ce que les gens sont censés faire? Nous avons un vote et c’est tout. Quels conseils pourriez-vous donner aux auditeurs qui aiment votre idée? Comment peuvent-ils la faire avancer?

Jane Philpott
J’ai quelques idées à ce sujet. Nous votons environ tous les 4 ans, mais cela ne nous empêche pas d’avoir des conversations avec nos élus à tout moment. Et je pense que, parfois, les Canadiens sont timides et ne savent pas qu’ils peuvent appeler leur député fédéral ou provincial à tout moment et prendre un rendez-vous pour parler de ce qui est important pour eux. Ils peuvent aussi lui envoyer une lettre ou un courriel pour lui dire que c’est important pour eux, qu’ils veulent que tous les citoyens de ce pays aient accès aux soins primaires. Nous pensons que c’est possible. D’autres pays l’ont fait. Pourriez-vous, s’il vous plaît, demander à votre futur gouvernement potentiel qu’il s’engage à réaliser ce souhait?

Tara Kiran
J’aimerais ajouter que j’invite vos auditeurs à se rendre sur le site NosSoins.ca. Il leur suffit d’entrer leur adresse courriel et leur nom pour que le système envoie automatiquement un message à leur député. Aussi, sur le site, une page entière vise à aider les gens à se faire entendre, et il y a de nombreux documents sur des sujets dont nous avons parlé — pourquoi est-ce important, combien le Canada dépense-t-il par rapport à d’autres pays. Tous ces renseignements vont les aider à avoir ces conversations vraiment importantes avec leurs politiciens, mais aussi avec leurs amis, leurs voisins, leurs parents.

Trop souvent, je pense que nous pouvons tomber dans la complaisance, comme si nous ne pouvions rien changer. Comme si nous n’avions aucun pouvoir. Mais en fin de compte, c’est nous qui avons le pouvoir, et la seule façon de changer le système, c’est de le faire tous ensemble.

Avis Favaro
S’il y avait une certaine pression, un engagement, combien de temps faudrait-il pour que les choses bougent dans certaines régions du Canada? DreKiran, à quelle vitesse pourriez-vous mettre cela en place?

Tara Kiran
Bonne question. D’ici un à 2 ans, nous pourrions voir une différence importante et mettre des fonds à disposition pour soutenir l’infrastructure et la mise sur pied de nouvelles équipes dans les collectivités qui en ont besoin. Je pense qu’il y a beaucoup de personnes en première ligne sur le terrain qui sont désireuses de contribuer à la réalisation de cette vision.

Nous pourrions aussi voir des propositions très créatives venant de tout le pays. Et nous agirions rapidement. Si le gouvernement dit : « D’accord, vous devez faire ceci dans l’année ou les 2 années à venir et vous avez une telle somme d’argent », je pense que cela forcerait les gens à bouger.

Avis Favaro
Au Manitoba, il y a eu un changement de gouvernement parce que les gens voulaient que les salles d’urgence ne ferment pas et qu’ils voulaient un meilleur accès aux soins de santé.

Jane Philpott
Il ne fait aucun doute que les gens veulent du changement. Le public est de plus en plus mécontent de l’état dans lequel se trouvent les soins de santé et, vous le savez, nous prenons une direction malsaine.

Je suis donc ravie que le Manitoba et la Nouvelle-Écosse aient élu des gouvernements qui ont dit qu’ils feraient mieux en matière de soins de santé. Je pense que quiconque se présente pour former un gouvernement dans les prochaines années ferait mieux d’avoir un bon plan pour les soins de santé, parce que c’est vraiment important pour les Canadiens.

Avis Favaro
Je tiens à vous remercier chaleureusement. J’ai vraiment aimé parler avec vous deux parce que j’ai un peu plus d’espoir et je comprends mieux la voie à suivre. Je crois aux énoncés de mission. L’idée d’une loi canadienne sur les soins de santé primaires ouvre donc la voie à l’action. Merci à toutes les deux. J’espère que nous pourrons nous reparler dans un an et voir si certaines de ces idées ont pris racine quelque part.

Jane Philpott
Je l’espère. J’espère que cela se produira.

Tara Kiran
Merci beaucoup.

Avis Favaro
Un rappel. Vous pouvez en savoir plus sur la loi canadienne sur les soins de santé primaires que demande la DrePhilpott dans son livre, ºìÁì½í¹Ï±¨ for All, qui est devenu un best-seller.

Vous pouvez aussi consulter les données recueillies par la DreKiran et son équipe sur le site NosSoins.ca, où vous pouvez répondre à un questionnaire sur vos soins de santé et voir toutes les recommandations que les Canadiens, comme vous, souhaitent voir mises en œuvre pour améliorer nos soins de santé. C’est NosSoins.ca.

Si vous souhaitez obtenir des données sur les soins de santé pour l’ensemble du Canada, consultez notre site Web, icis.ca, i-c-i-s point c-a.

Merci d’avoir pris le temps de nous écouter. Notre producteur exécutif est Jonathan Kuehlein, notre assistante de production est Heather Balmain, et un grand merci à Alya Niang, l’animatrice du balado de l’ICIS en français.

Abonnez-vous au Balado d’information sur la santé au Canada et écoutez-le sur la plateforme de votre choix.

Ici Avis Favaro. À la prochaine!
 

Comment citer ce contenu :

Institut canadien d’information sur la santé. Au secours de la médecine familiale — Dre Jane Philpott et Dre Tara Kiran. Consulté le 21 décembre 2024.