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Les soins de santé en région rurale et éloignée au Canada — Dre Nicole Ranger

Nicole Ranger

31 min | Publié le 10 janvier 2022

Le système de santé universel est une grande fierté des Canadiens, mais des facteurs comme la géographie et les déterminants sociaux de la santé signifient malheureusement que les citoyens vivant en région rurale ou éloignée n’ont souvent pas le même accès aux soins de santé que ceux vivant en région urbaine. Nous discutons avec la Dre Nicole Ranger, une médecin de famille pratiquant à Hearst, en Ontario, pour en apprendre davantage sur les défis et les occasions liés aux soins de santé dispensés et obtenus en région rurale et éloignée au Canada.

Cet épisode est disponible en français seulement.

Transcription

Alex Maheux

Bonjour et bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Je suis votre animatrice, Alex Maheux. Dans cette émission de l’Institut canadien d’information sur la santé, nous allons analyser les systèmes de santé du Canada avec des patients et des experts qualifiés. Restez à l’écoute, car nous irons au-delà des données pour en savoir plus sur le travail qui est fait pour nous garder en santé.

Quand nous imaginons la vie d’un médecin au Canada, plusieurs d’entre nous pensent sûrement à une salle d’urgence au gros centre-ville. Par contre, ce n’est pas la réalité pour un grand pourcentage de médecins en régions rurales qui ont une réalité très différente. Aujourd’hui, nous en parlons avec le docteur Nicole Ranger de Hearst, au nord de l’Ontario. Elle est non seulement médecin de famille, mais un plein champ de pratiques en médecine d’urgence, des soins à long terme et des services hospitalistes.

Bonjour Nicole, bienvenue au balado.

Nicole Ranger

Merci, c’est un privilège pour être ici aujourd’hui.

Alex Maheux

Vous avez une histoire vraiment fascinante. J’avais vraiment hâte de vous parler. À l’âge de 42 ans, vous avez décidé que vous alliez vous dédier entièrement à devenir médecin et spécifiquement médecin en région rurale. Vous avez étudié à l’École de médecine du Nord. D’où est venue votre énorme passion pour devenir médecin dans le nord de l’Ontario ?

Nicole Ranger

Je pense, pour moi, ça vient de ma jeunesse aussi. J’ai été élevé dans un milieu, un environnement rural, dans une petite communauté juste à l’extérieur de Sudbury. J’ai eu le grand privilège pendant mes études de médecine d’aller faire mon stage longitudinal qui est offert avec l’École de médecine du Nord de l’Ontario. Dans notre troisième année, on fait un stage d’environ 8 mois dans une communauté rurale. Pour moi, c’était la communauté de Hearst. Alors, j’ai trouvé un deuxième chez moi. Quand je me suis rendue là pour entreprendre ma troisième année en médecine, ça a vraiment réaffirmé mon choix de devenir médecin en communauté rurale.

Alex Maheux

Parle-m’en. Comment a été votre expérience à date ? Quel genre de décision faut-il prendre chaque jour en médecine rurale ? Comment est-ce que c’est peut-être différent qu’être médecin en région urbaine ?

Nicole Ranger

Donc, tout particulièrement, pour moi, j’ai trouvé mon expérience et je trouve encore mon expérience d’aujourd’hui. Une journée n’est pas comme l’autre journée. Alors, chaque journée est différente. On va se revoir dans des contextes complètement différents chaque jour. On peut passer du bureau à la salle d’urgence pour un quart de soirée ou être appelé à faire des visites d’urgence pendant la journée. On peut être aussi appelé à voir des clients ou des patients dans le milieu de soins de longue durée, dépendant de nos accords de travail aussi. On a mis sur pied, tout récemment ici, un système d’hospitaliste pour la prise en main des soins pour les patients qui sont admis à l’étage de médecine aiguë.

Alors, lorsqu’on est hospitaliste, on a aussi le rôle d’être le premier en appel pour la salle d’opération pour assister. On fait aussi des appels sur demandes dépendant des conditions des patients dans les milieux, aux étages de soins de longue durée. Alors, ça peut varier énormément dans une journée. Ce qui fait que notre travail est super valorisant. Les patients reconnaissent la grande valeur d’avoir un médecin qui va passer d’un milieu à l’autre et vont les voir dans différents contextes pour la continuité de leurs soins.

Alex Maheux

J’imagine que ça doit être un gros avantage d’avoir le suivi de tous les différents domaines. C’est peut-être une considération quand on pense à la santé rurale versus la santé urbaine.

Nicole Ranger

Exactement. La majorité du temps, les médecins en communauté urbaine vont nécessairement avoir une pratique axée en milieu clinique dans leur bureau, leur cabinet. Parfois, avoir aussi un rôle d’aller voir les patients à l’hôpital, mais ce n’est pas une obligation de leur part. Donc, il y a certains médecins qui vont choisir de faire ça. Le contexte unique au niveau de l’exercice en milieu rural, c’est qu’on recherche chez les médecins la capacité d’avoir un rôle autre que la médecine en milieu clinique dans le cabinet ou le bureau. Souvent, on a des personnalités qui font de nous avoir ce sens de l’aventure là, d’avoir différentes passions comme la médecine d’urgence.

On a aussi d’autres médecins en pratique. Moi, je fais principalement le bureau, service d’hospitaliste, l’urgence, les soins de longue durée. Mais j’ai aussi de mes collègues qui sont des médecins qui font de l’obstétrique, les césariennes, des médecins qui font de l’anesthésie. Alors, quand on se retrouve en milieu rural, c’est important d’avoir des médecins qui ont une grande variété au sein de la communauté et qui ont vraiment développé une passion pour offrir une panoplie de services aux patients. Cette continuité-là, on ne peut pas sous-estimer la valeur que ça donne aux patients. Quand je vais voir un patient au cabinet ou, peut-être plus tard, cette patiente-là ou ce patient-là sont admis à l’étage aigu pour une raison, je connais déjà leur historique. Je suis en mesure de faire un rapprochement très rapidement avec la condition du patient ainsi que les autres conditions qui peuvent contribuer pour la raison de l’admission, par exemple.

Alex Maheux

Je me suis toujours demandé ce que les gens font réellement quand ils affrontent une crise de santé en région rurale ? Par exemple, un arrêt cardiaque, une crise cardiaque, un AVC. Comment est-ce que ça a peut-être un impact sur les résultats pour les patients ?

Nicole Ranger

Oui, c’est une excellente question. Comme médecin en région rurale, puis dans des situations de crise, surtout dans un contexte à l’urgence, premièrement, le médecin doit être à l’aise ou doit reconnaître ses forces et sa capacité de fonctionner dans un milieu où on n’a pas toutes les ressources à notre disposition. Donc, lorsque j’ai commencé à œuvrer dans la communauté de Hearst, il n’y avait pas de CT scan. Alors, les gens qui se présentaient avec des symptômes qui étaient potentiellement associés à un accident cérébrovasculaire, il fallait qu’on fasse une évaluation assez rapide puis entreprendre les démarches particulièrement urgentes pour transporter le patient et l’envoyer dans une autre communauté pour avoir un examen diagnostique. Ce qui présente des défis en soi.

Aujourd’hui, on a eu une grosse tempête de neige. Il n’y a pas moyen que les avions atterrissent, etc. Donc ça, ça peut nécessairement mettre en péril la santé d’un patient. Heureusement, la communauté de Hearst c’est vraiment une communauté passionnée qui est axée sur prélever des fonds puis avoir les mesures nécessaires pour appuyer les membres de la communauté. Ils ont mis en place un projet de prélèvement. On a été, heureusement, les récipiendaires d’un nouveau CT scan, ici à Hearst, par les efforts de la communauté pour prélever les fonds nécessaires pour l’achat et aussi avoir une continuité. Alors, ça, déjà, c’était un gros fardeau de soulager pour les médecins.

Dans un deuxième contexte, par contre, on n’a pas toujours toutes les ressources à notre disposition. Donc, rencontrer les objectifs pour les patients au niveau des conditions de la santé ou l’amélioration des conditions de la santé peuvent nécessairement aller d’un côté ou d’un autre. Ça va tout dépendre des ressources qu’on a à notre disposition. Comment, facilement, peut-on accéder aux ressources qui ne se retrouvent pas en communauté ? On a mis en place des systèmes certainement, puis encore depuis la COVID-19, les services qui sont offerts sont en vidéoconférence ou par rendez-vous téléphonique avec d’autres spécialistes à l’extérieur de la communauté.

Mais il faut que je renchérisse le fait que nous sommes quand même assez choyés d’avoir une panoplie de spécialistes qui viennent visiter mensuellement. On a des chirurgiens généraux, gynécologues. On avait aussi accès auparavant à des services de neurologie, urologie. Alors, la communauté bénéficie quand même d’une bonne gamme de services de spécialistes même si on n’a pas l’ensemble des services qui seraient nécessaires pour bien desservir tous les patients.

Alex Maheux

Je dois avouer que c’est rassurant d’entendre ça. J’imagine que le manque de ressources doit être parfois vraiment pesant.

Nicole Ranger

Absolument. Je peux me souvenir d’une situation dans laquelle il fallait que le patient soit déplacé pour avoir une image. Dans l’intérim, le patient est dans une autre communauté. Je suis au téléphone avec un médecin spécialiste dans un centre tertiaire dans une autre communauté. Le patient n’est pas en avant de moi. J’ai le patient et sa famille sur un téléphone. J’ai le médecin spécialiste dans l’autre communauté sur un autre téléphone pour essayer de coordonner les services afin que le patient n’encoure pas de délai pour être transféré vers des services spécialisés. Parce que typiquement, un patient qui est envoyé pour une image doit revenir dans sa communauté initiale avant d’être renvoyé dans une autre communauté. Ce qui complique la situation, comme tu peux le constater. Puis, je ne voulais pas encourir des délais pour ce patient-là parce qu’il nécessitait des soins d’urgence qu’on ne pouvait pas offrir. Dans le fond, je mettais aussi en péril la possibilité que le patient pouvait repartir parce que c’était dans le milieu de l’hiver. Alors, je ne pouvais pas prendre cette chance-là d’avoir un patient tellement malade qui est pris entre deux institutions pour être capable d’être transporté vers les services qu’il avait besoin.

Alex Maheux

Ça doit être vraiment difficile. Que vous pensez-vous est la plus grosse, soit fausse conception ou perception, que les Canadiens ou Canadiennes ont par rapport à la santé rurale ?

Nicole Ranger

Je pense que dans ce contexte-là, il y a peut-être deux volets dans lesquels on peut constater qu’il y a des méconceptions à l’égard de la santé rurale. Donc, sur le côté des intervenants de la santé, je pense que souvent, on regarde à ce que les gens n’aient pas nécessairement accès à un ensemble de services de santé au niveau de soins spécialisés ou autre. Ce qui n’est pas toujours nécessairement le cas. Les équipes de santé dans des communautés rurales ont, de par la nécessité, travaillé ensemble pour être capable de développer différents champs d’expertise pour le mieux desservir les gens de la communauté. C’est peut-être ça une des plus grandes méconceptions.

Quand on regarde au niveau de la santé des gens proprement dite, on a quand même aussi une idée que les gens dans des communautés plutôt rurales auraient un plus bas niveau de santé. Je pense aussi que dans certains contextes ça pourrait être vrai. Par contre, dépendant de la communauté, c’est sûr et certain que la santé puis la vitalité d’une communauté vont certainement reposer, en grande partie aussi, sur l’ensemble des services de santé qui sont disponibles dans la région. Alors, c’est quasiment un couteau à deux tranchants. On peut voir des disparités au niveau de la santé chez les gens dans des communautés rurales. Par contre, on peut aussi voir des innovations ou certaines stratégies qui sont mises en place pour être capable d’améliorer la qualité des services et par cette entremise-là, le niveau de santé des gens dans la communauté.

Alex Maheux

En effet. J’imagine qu’il y a aussi beaucoup de créativité requis des médecins en communauté rurale. Vous avez parlé des disparités qui existent parfois en santé rurale. Ce qui m’amène à la prochaine question qui s’applique spécifiquement à la santé autochtone dans les régions rurales. Ces deux populations, si vous voulez, sont souvent utilisées faussement de façon interchangeable, peut-être à cause de certains thèmes et des approches semblables reliées aux déterminants de la santé. Mais quelles sont les choses uniques que nous devrions considérer quand nous parlons de la santé autochtone dans les régions rurales spécifiquement ?

Nicole Ranger

Donc, essentiellement, il y a quand même beaucoup de défis au niveau d’être capable d’entreprendre la mise en place de stratégies qui appuient la santé des autochtones. Donc ici, on a une communauté autochtone qui est desservie par l’hôpital localement ici. C’est la première nation de Constance Lake. La première nation a, sur les lieux, une clinique de santé médicale. Ils ne sont pas, malheureusement, en mesure d’offrir une grande gamme de services dans la communauté compte tenu des pénuries d’infirmières, d’infirmiers, de personnel en santé en général. Ce qui fait que ça devient très difficile d’appuyer les gens de la communauté en matière de leurs soins.

Tu as absolument raison, Alex. Quand on regarde au niveau des déterminants de la santé, on regarde souvent l’investissement de l’offre des services puis de l’accès aux services. Mais il faut aussi avoir un plan, être capable de mieux financer les éléments en cause qui sont la pauvreté, le manque de logements sécuritaires, le manque d’accès à de la nourriture sécuritaire, de l’eau qui est potable, des troubles au niveau d’accès à la transportation. Donc, pour nous autres, les gens qui viennent de la première nation Constance Lake, même s’il y a un service en place, c’est très difficile pour eux de se rendre en ville pour être capable d’entreprendre des rendez-vous, etc. parce qu’il y a un manque d’accès à la transportation. Ce qui met parfois en danger la santé des gens. Ils ne sont pas nécessairement capables de se rendre pour entreprendre, par exemple, l’administration des antibiotiques intraveineux à multiples reprises pendant la journée. Parce qu’on a un manque d’intervenants de la santé qui travaillent en communauté, ils ne sont pas capables de recevoir ces services-là à domicile.

Alors ce ne sont que quelques exemples qui démontrent réellement les défis qui vont être rencontrés par les gens qui vivent en communauté rurale. En effet, tout particulièrement par les peuples autochtones.

Alex Maheux

Ce sont de grosses questions, puis des questions aussi qui sont vraiment plus larges que les questions de la santé. C’est vraiment difficile de faire une entrevue ces jours-ci de la santé sans parler de la COVID et son impact. Alors, j’aimerais ça en parler un peu avec vous. Comment avez-vous trouvé que la COVID a affecté votre métier en santé rurale ? J’imagine qu’il y a des aspects un peu différents à considérer. Par exemple, est-ce que c’était plus facile à communiquer avec votre communauté parce que ce sont des personnes que vous connaissez mieux que dans une grande ville ? Est-ce qu’il y a des difficultés que, peut-être en en région urbaine, on n’aurait pas considéré, on n’a pas besoin d’affronter ?

Nicole Ranger

Je pense que, pareil comme n’importe quelle communauté, on a eu à faire un tour très rapide pour être capable d’évaluer les éléments qu’il fallait mettre en place pour assurer la sécurité de nos patients, du personnel en santé et du personnel qui sont à l’appui de l’ensemble des services de santé dans la communauté. Alors, je pense qu’au début, il y avait beaucoup d’insécurité. Les gens avaient très peur de voir les gens en personne. Puis de toute façon, nous autres, on essaie aussi de passer le message aux gens que c’était très important de solliciter des services d’urgence. Les gens évitaient d’aller à l’urgence. Ils évitaient d’appeler le bureau. Ils évitaient, de toute façon, d’être exposés à un potentiel virus qu’on ne connaissait pas.

Les difficultés particulières qu’on a vécues, par contre, en communauté, ici, parce qu’on est vraiment quasiment équidistant aux deux grands centres qui desservent nos patients, soit Sudbury et Thunder Bay. Puis par la distribution géographique, justement, on ne tombe pas dans les mêmes régions géographiques pour les services de santé. On a vu aussi que les communautés où il y avait plusieurs cas de COVID qui se développaient, nos patients ne pouvaient plus accéder aux services des spécialistes qui les avaient déjà vus pour certaines conditions médicales. Alors, il y a eu comme un arrêt très brusque des services auxquels nos patients pouvaient accéder dans le contexte des cas de COVID qui se développaient.

L’autre élément qu’on a vu aussi c’est que nous sommes aux dépens d’autres hôpitaux pour des services de biopsie qui sont sous les services radiologiques, etc. Puis, nos communautés environnantes, avec des hôpitaux qui sont un petit peu plus grands aussi, sont eux aussi aux dépens des médecins qui viennent du sud de l’Ontario pour offrir des services. Alors, on a vu de grands délais au niveau de certains types d’imagerie. On a eu de grands délais au niveau d’être capable d’acheminer nos patients pour des biopsies de toutes les sortes. Ce qui a compliqué les éléments particulièrement pour les plus petites communautés. Je ne peux pas constater s’il y a eu des effets aussi importants dans les communautés urbaines, mais je constate de toute façon, parce que les services sont disponibles localement, que les patients dans ces communautés un peu plus urbaines n’ont pas dû subir des retards aussi importants que les patients des communautés rurales.

Alex Maheux

C’est vraiment difficile à entendre. Un autre collègue de l’ICIS a dernièrement organisé une session avec les parties prenantes à travers le pays. Ça a été noté que les taux de postes vacants pour le travailleur de la santé étaient jusqu’à 70 % dans certaines communautés rurales. Sûrement une partie de ça c’est à cause du stress qui est accompagné à cause de la COVID. Mais est-ce qu’il y a eu un gros impact de travailleurs de la santé dans votre région ?

Nicole Ranger

Au niveau de la COVID, partout particulièrement, je pense que c’est peut-être un facteur qui a mené certainement à un montant important d’épuisement chez les professionnels de la santé. Comme de raison, on a dû organiser des services comme dans les gros hôpitaux, on a dû les mettre en place ici aussi. Mais on n’a pas les mêmes ressources humaines qui sont en mesure d’être capables de monter l’ensemble des changements qui sont nécessaires pour s’adapter à quelque chose comme une pandémie. Tout particulièrement, nous autres, ici, on subit le sort au niveau des retraites bien méritées de médecins qui ont œuvré dans la communauté pendant plusieurs années. Et s’installe ici, le stress qui est vécu ici, c’est particulièrement associé à la difficulté de recruter du personnel pour remplacer les ressources humaines médicales qui ne sont plus avec nous.

Donc, par les défis avec la COVID, le stress engendré par toutes sortes de conditions sous lesquelles les professionnels de la santé ont dû travailler dans les dernières années, ça ne facilite pas notre travail de recrutement.

Alex Maheux

On a besoin de plus de médecins comme vous qui entrent dans le domaine de santé et veulent travailler en communauté rurale. Un dernier sujet relié à la COVID, si vous me permettez, l’idée que la COVID a beaucoup aidé à avancer la santé virtuelle. Vous avez parlé du fait que peut-être ça a aidé les choses dans certaines manières. Mais j’imagine aussi qu’il y a des difficultés d’accès, parfois, dans les communautés rurales ?

Nicole Ranger

Tout à fait. Je sais qu’il y a déjà des prévisions pour être capable de faire le rehaussement des ressources et l’infrastructure nécessaire pour être capable d’appuyer un meilleur réseau de communication. Ce qui permettrait aux professionnels de la santé d’avoir des interactions virtuelles qui sont plus appropriées sans défi. Comme tu peux le constater, si l’internet flanche, on ne peut pas accéder nos dossiers médicaux électroniques, et tous. Alors, on est tellement aux dépens de la technologie de nos jours que cette infrastructure-là de meilleure qualité, elle est essentielle. Je pense qu’il faut aussi réaliser que, dépendant des communautés, on a une population quand même assez élevée de personnes aînées. Ce sont des personnes pas nécessairement très adaptes à l’utilisation des services comme zoom ou des plateformes virtuelles pour la communication. Même au téléphone, comme tu peux réaliser, il y a des personnes plus aînées qui ont des troubles d’ouïe. Ce n’est pas évident pour eux autres d’interagir dans un milieu, ça peut mettre en évidence certains défis qu’ils ont.

J’ai même remarqué que, depuis la COVID, parce qu’il faut se costumer de masques et de visière et tout, que les patients qui ont des troubles d’ouïe sont particulièrement affectés. Ils ne peuvent pas voir notre bouche. On se parle, proprement dit, dans notre visière. J’ai de la misère à entendre en fin de journée parce que je pense que je me suis écoutée beaucoup plus que mes patients à cet effet-là. Donc, ça a mis en place beaucoup d’éléments difficiles. Cependant, de façon inverse, j’ai plusieurs patients qui ont pu apprécier l’accès par téléphone, surtout pour des petits rendez-vous de suivi, rapides. Ne pas se déplacer au bureau, ça sauve du temps pour le patient. Ça évite l’exposition potentiellement à d’autres patients qui auraient des maladies transmissibles. Donc, on n’a pas de salles d’attente maintenant, comme depuis le début de la COVID, les gens ne sont pas assis dans des salles d’attente à attendre leur rendez-vous. Ils arrivent justement à temps. Donc, une option virtuelle, c’est vraiment une bonne option.

Il faut aussi identifier le fait qu’aucune plateforme virtuelle ne va jamais remplacer la médecine en personne. Cette communication-là, puis le contact personnel, ça demeure vraiment quelque chose d’important pour les patients. Puis, ils nous l’ont dit ça aussi, car les mois où on ne pouvait pas nécessairement voire beaucoup de patients en personne, les gens s’en sont senti. Ils ont vraiment renchéri le fait que c’était important pour eux de retourner à la capacité d’avoir un rendez-vous en personne.

Alex Maheux

Vous avez mentionné les dossiers médicaux. Le but de l’ICIS c’est de collectionner, d’analyser les données pour aider à donner aux gens au travers de la santé de l’information pour prendre de meilleures décisions pour leur communauté et pour les personnes qu’ils desservent. Quelles opportunités voyez-vous dans la collection et la disponibilité des données afin d’améliorer la santé rurale ?

Nicole Ranger

C’est une question extrêmement importante parce que je crois que c’est vraiment important d’avoir recours à des données pour être capable d’exploiter les meilleures pratiques qu’on retrouve au milieu rural afin d’appuyer le développement de stratégies qui, potentiellement, n’existent pas dans plusieurs communautés. L’ICIS a certainement un rôle critique à jouer à cet effet-là. Je pense qu’il faudrait prendre l’expansion à recruter, justement, plusieurs parties prenantes dans des communautés rurales ou isolées pour s’engager dans la remise de données en continuité. Souvent, on fait des projets en isolement pour être capable d’avoir les données probantes nécessaires afin d’alimenter les décisions au niveau du développement de politiques ou de nouvelles pratiques. Je crois qu’il y a beaucoup de place pour être capable de mettre en place encore un réseau beaucoup plus large. Parce que plus ça va, plus les ressources humaines sont en diminution. Malgré le fait qu’on tente de mettre en place des stratégies pour augmenter le nombre des ressources humaines, il va y avoir certainement une période pendant laquelle on va avoir des défis à rendre les services qui sont essentiels à la survie des services de santé dans les communautés rurales et isolées.

Alors, par ces données-là, je pense qu’on serait en mesure de mieux établir des stratégies qui pourraient dépanner des communautés qui sont couramment en situation critique et qui ne peuvent pas nécessairement combler les déficits dans un délai raisonnable.

Alex Maheux

On sait que les données, ça peut aider à améliorer les résultats dans les communautés. Évidemment, chaque communauté est vraiment différente. J’ai entendu dire que si vous avez vu une communauté rurale vous avez juste vu une communauté rurale. Vous faites partie de l’Association médicale de l’Ontario qui vient de publier un rapport ou un plan sur une prescription pour le nord de l’Ontario. Qu’est-ce que le plan espère établir pour améliorer la santé de toutes les communautés rurales ?

Nicole Ranger

Quand on regarde au niveau du plan qui a été développé pour être capable d’améliorer l’état des lieux de la santé des communautés rurales, je pense qu’un des points le plus criants c’est augmenter l’accessibilité à des services de santé qui sont équitables. Donc, on n’aspire pas à avoir des soins égaux, on aspire à avoir des soins équitables. Ce qui veut dire que dans le contexte des communautés rurales, malgré le fait qu’on ne peut pas toujours offrir la panoplie de services localement, il faut vraiment développer des stratégies par lesquelles les gens peuvent accéder facilement, sans délai plus long que dans les communautés urbaines, aux services nécessaires afin de combler leurs besoins en matière de la santé. Je crois qu’avec l’École de médecine du Nord de l’Ontario, qui, maintenant, va devenir une université, on a la capacité d’exploiter aussi la possibilité de modèles innovateurs pour la formation des médecins.

Alors c’est très reconnu de prendre plusieurs études que les travailleurs de la santé vont s’installer dans les milieux dans lequel ils ont été formés. Par mon expérience antécédente, lorsque j’étais dans l’enseignement, il fallait souvent envoyer les apprenants à l’extérieur dans des centres plus urbains. Malheureusement, ils étaient là pendant des périodes très longues. Et ils ont rencontré un partenaire, ils ont fait une vie. Puis, ils ne se sont jamais retrouvés à revenir dans le nord de l’Ontario. Je pense qu’il faut trouver des opportunités où on peut apporter soit des étudiants, des résidents à faire des stages de formation beaucoup plus robustes dans le Nord ontarien pour qu’ils puissent apprécier l’éventail de services qu’ils peuvent offrir. Apprécier l’unicité de leurs compétences lorsqu’ils sont formés en milieu rural.

Puis aussi, plus grand que ça, venir apprécier ce que la communauté ou les communautés proprement dites peuvent leur offrir. Donc, ce n’est pas juste au niveau de la carrière que c’est important, c’est vraiment critique d’ancrer le professionnel de la santé, sa famille, conjoint, conjointe, etc. afin qu’il puisse se voir s’installer et offrir des services de santé dans des communautés rurales ou éloignées. Puis vraiment, faire une carrière privilégiée est très valorisant. Je pense que le plan prévoit ça. Qu’est-ce qui a frappé ou qui est important pour moi aussi, parce que pendant toute ma vie, j’ai été une forte militante à l’offre des services de santé en français en général ? Ça a été vraiment reconnu par le plan qu’on a une diversité culturelle au niveau linguistique et au niveau ethnique, peuples autochtones, ainsi de suite. Nos services de santé, il faut que les personnes se voient refléter dans le système de la santé. Il faut que les personnes se voient refléter dans le personnel qui leur offre des services. Ça, c’est une partie importante du plan qui a été présenté.

Alex Maheux

Nicole, quel est votre espoir pour votre communauté dans les prochaines années ?

Nicole Ranger

Pour moi, dans les prochaines années, j’espère que nous aurons un grand succès à vraiment avoir une opportunité de recruter des personnes dynamiques, passionnées à venir se joindre à notre équipe, ici. Je me sens vraiment privilégiée d’avoir eu l’opportunité de venir m’installer ici, dans la communauté de Hearst, travailler parmi une équipe extraordinaire de médecins qui sont dévoués, une équipe de service de santé extraordinaire. Je ne vais pas manquer personne, mais la raison principale pour laquelle je me suis dirigée vers la communauté de Hearst pour œuvrer en médecine rurale, c’est essentiellement que je me suis senti chez nous. Les gens de la communauté démontrent une appréciation incroyable des services que nous offrons. Ils sont prêts à faire quasiment n’importe quoi pour nous appuyer afin qu’on aille toutes les ressources essentielles pour les gens de notre communauté.
Donc, c’est mon espoir qu’on va retrouver d’autres gens aussi passionnés que le groupe qu’on retrouve maintenant à venir nous joindre à faire carrière ici.

Alex Maheux

Je l’espère vraiment pour vous. Nicole, merci pour votre enthousiasme et votre passion. Et merci infiniment d’avoir été avec nous aujourd’hui.

Nicole Ranger

Merci beaucoup, Alex, c’était un plaisir et un privilège.

Alex Maheux

Merci d’avoir été à l’écoute. Revenez-nous la prochaine fois quand nous vous présenterons d’autres sujets et perspectives de santé intéressants. Pour en savoir plus sur l’ICIS, consultez notre site web icis.ca. Si vous avez apprécié notre discussion d’aujourd’hui, abonnez-vous à notre balado et suivez-nous sur nos réseaux sociaux. Cette émission a été produite par Stephanie Bright et Angela Baker et notre producteur exécutif, Jonathan Kuehlein.

Ici Alex Maheux, à la prochaine.

Comment citer ce contenu :

Institut canadien d’information sur la santé. Les soins de santé en région rurale et éloignée au Canada — Dre Nicole Ranger. Consulté le 22 décembre 2024.