Répercussions de la COVID-19 sur les soins de longue durée au Canada — Dr Quoc Dinh Nguyen
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21 min | Publié le 11 mai 2021
Les établissements de soins de longue durée affichent les taux les plus élevés de cas et de décès liés à la COVID-19 au Canada. La pandémie a mis en évidence des problèmes très préoccupants en ce qui concerne la situation dans ces établissements. Nous nous entretenons avec le Dr Quoc Dinh Nguyen, interniste-gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), des causes premières de ces problèmes et de la manière de les résoudre.
Cet épisode est disponible en français seulement.
Transcription
Alex Maheux
Comme la pandémie Covid-19 évolue rapidement, les circonstances ont peut-être changé depuis l’enregistrement de cette entrevue et ne reflètent pas nécessairement la situation présente.
Bonjour et bienvenue au balado d’information sur la santé au Canada. Je suis votre animatrice, Alex Maheux.
Dans cette émission de l’Institut canadien d’information sur la santé, nous allons analyser les systèmes de santé du Canada avec des experts qualifiés. Restez à l’écoute pour en savoir plus sur les politiques et les systèmes de santé et sur le travail effectué pour favoriser la santé des Canadiens.
Aujourd’hui, nous parlons avec le Dr Quoc Dinh Nguyen, interniste-gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Dr Nguyen maintient une maîtrise en pédagogie médicale de l’Université de Montréal, une maîtrise en santé publique de l’Université Harvard et aussi bientôt il aura complété son doctorat en épidémiologie à l’Université McGill. Dr Nguyen partage son temps entre la clinique et la recherche qui porte sur la fragilité des personnes âgées. Durant la première vague de la pandémie, il a été nommé à la tête du groupe d’experts Covid-19 sur les mesures pour aînés.
Rappelez-vous que les opinions et les commentaires de nos invités ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Institut canadien d’information sur la santé. Allons-y.
Bonjour, Dr Nguyen. Merci de vous joindre à nous, aujourd’hui.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Bonjour. Ça me fait plaisir.
Alex Maheux
Alors, la Covid-19 a exposé certains problèmes qui existaient dans le système des soins de longue durée au Canada. Pour débuter notre entrevue, pouvez-vous nous parler brièvement de quel était l’état des soins de longue durée avant la Covid-19 et comment peut-être que ces problèmes ont joué un rôle dans la pandémie?
Dr Quoc Dinh Nguyen
Oui. En fait, la grande difficulté quand on parle des personnes âgées et donc des milieux où sont traités, soignés, où vivent les personnes âgées, c’est-à -dire les soins de longue durée, c’est l’immense variabilité des personnes âgées, c’est-à -dire il y en a des plus en forme, des moins en forme puis des assez malades. Je vous dirais que c’est sûr que dans les soins de longue durée, c’est rare qu’on a des gens bien en forme. Si on est en soins de longue durée, c’est bien pour une raison, souvent des troubles cognitifs ou des troubles de mobilité. Même à travers les troubles de mobilité puis les troubles cognitifs, il y a quand même beaucoup de variations quand on regarde les résidents. C’est un peu la même chose avec les CHSLD, si on prend la situation au Québec, les soins de longue durée québécois, que je connais quand même un peu mieux que ceux du reste du Canada. Le problème no 1, ce serait de dire qu’il y a quand même beaucoup de variabilité.
Malgré cette variabilité, parce qu’il y a des petits CHSLD, il y a des grands CHSLD, il reste quand même que c’est sûr que le nombre de personnel qui était présent au Québec et ailleurs était clairement en partie trop faible pour les besoins. Puis c’est intéressant, parce qu’on parle beaucoup des CHSLD, surtout lors de la première vague. On en parle un peu moins maintenant qu’on est à la troisième, grosso modo. On en a beaucoup parlé, mais en fait tous les problèmes qu’on a décrits et dont on a entendu parler étaient présents de ça il y a probablement 10, 20, probablement même 30 ans parfois. Ça fait qu’au Québec il y a un bon segment d’Infoman, une émission qui est bien populaire où on entend les politiciens parler des CHSLD, puis on a l’impression que ça s’applique en 2020, mais en réalité c’est en 1990.
Donc, pour répondre à la question, je vais dire : un des défis, c’est sur le défi du personnel. Il y en a manqué beaucoup, il en manque encore. Je pense aussi qu’une des tensions majeures dans les CHSLD, les soins de longue durée, c’est l’interface entre c’est un milieu de vie, donc c’est un endroit où les gens vivent au quotidien, même s’ils n’ont pas de maladie aiguë qui nécessite un traitement médical immédiat. Donc, cette idée de milieu de vie, c’est comme une maison, c’est là où les gens sont, un environnement qui n’est pas hospitalier.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
En même temps, c’est quand même des gens qui ne sont pas à la maison ordinaire, parce qu’ils sont assez malades, encore une fois au plan cognitif ou au plan de la mobilité. Donc, ça nécessite quand même des soins. Comment naviguer et faire les deux de la meilleure façon possible? C’est ça le défi qu’on a vu, qui était déjà présent avant et qui est encore là pendant la pandémie de façon particulièrement importante.
Alex Maheux
Mm-hm, absolument. Plus tôt cette année, l’ICIS a publié un rapport sur l’état des soins de longue durée en rapport à la Covid-19. Le rapport a observé comment la Covid-19 a évolué durant la dernière année et pour les différentes vagues. Qu’est-ce que nous avons vu à travers les différentes vagues au pays et, précisément vous avez dit que le Québec c’est votre spécialité, au Québec aussi?
Dr Quoc Dinh Nguyen
En fait, ce qu’on a vu, si on ramène ça à vague zéro, c’est-à -dire il n’y a pas encore la Covid. Disons qu’on est quelque part au Canada et au Québec, quelque part en février, c’est-à -dire on en entend parler, il y en a probablement quelques cas, mais ce n’est pas sur le radar. À la vague zéro, tous les yeux étaient tournés vers les soins hospitaliers, c’est-à -dire préparer les lits de soins intensifs…
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
…préparer les lits d’hospitalisation, et très peu d’yeux se tournaient vers les CHSLD. Ça, je pense que c’est le premier élément extrêmement important à garder en tête.
Alex Maheux
¶Ù’a³¦³¦´Ç°ù»å.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Après ça, si on amène… on est à la mi-mars, les premiers cas d’ailleurs en Colombie-Britannique, puis, bon, les premiers cas au Québec, alors qu’on ne sait pas nécessairement que c’est de la Covid, à la mi-, fin mars.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Bien, là , ça, c’est le début de la première vague. La première vague a probablement été à son pic, à son apogée quelque part vers la mi-, fin avril, début mai. On a parlé un peu des manquements de personnel, des manquements de soins médicaux aigus et c’est sûr que la Covid, qui est une maladie très grave, qui se transmet extrêmement rapidement avec une phase asymptomatique, bien, on a vu les effets et même les ravages – le mot n’est peut-être même pas assez fort – que la Covid peut faire à la première vague. Donc, on termes de perturbation du quotidien des résidents, en termes de stress pour les résidents, pour le personnel, pour les familles, en termes de maladie grave et évidemment de décès, en termes d’impréparation aussi – je pense qu’il faut quand même le dire – de ces milieux-là et du personnel, parce qu’on s’était beaucoup concentré à la vague zéro, avant la première vague, à préparer les hôpitaux.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Ç’a quand même pris quelques semaines, le temps de développer les tests, le temps d’envoyer du renfort notamment de l’Armée, le temps de développer des protocoles de soins, puis le temps malheureusement aussi que la maladie infecte les gens, puis s’en prenne aux plus vulnérables, bien, les cas ont quand même baissé.
Si on compare la première et la deuxième vague, je vais peut-être plus me concentrer sur le Québec, c’est sûr qu’on était beaucoup mieux préparé, en général. Sauf que si on compare les régions du Québec, qui avaient été moins atteintes à la première vague versus les régions comme Montréal et la couronne de Montréal qui étaient nettement plus atteints, on a vu que dans les régions moins atteintes la préparation était, elle aussi, encore un peu moins bonne, parce que les gens n’avaient pas nécessairement l’expérience que Montréal a acquise très durement. Montréal a quand même acquis à la première vague.
Au Québec, on a quand même vu, avec la formation pour la prévention et le contrôle des infections, le port du masque, comment porter le masque, comment faire l’hygiène des mains, comment isoler les personnes infectées. Avec les tests qui étaient nettement plus présents à la deuxième vague qu’à la première vague à ses débuts et surtout, bien honnêtement, on en parle beaucoup au Québec, l’arrivée des préposés aux bénéficiaires, autour de 7 000 préposés aux bénéficiaires au courant de l’automne. C’est sûr que ç’a quand même fait une grosse différence pour les CHSLD en termes de nombre de cas, puis en termes de mortalité.
Il faut aussi noter que les médecins se sont améliorés en termes de prise en charge de la maladie. Oui, on parle tout le temps des soins intensifs, puis l’intubation, puis les médicaments. La vérité, c’est que les soins aux personnes âgées, les bons soins, c’est des soins de base, c’est-à -dire l’hydratation, s’assurer que la personne continue à se mobiliser, à être stimulée et, ça, on a mieux fait ça à la deuxième vague qu’à la première.
Alex Maheux
Mm-hm. Vous avez parlé un peu des changements qui ont été faits entre la première et la deuxième vague pour certaines régions et peut-être que ç’a aidé à voir des améliorations dans ces régions. On est maintenant dans la troisième vague. Où en sommes-nous? Qu’est-ce qu’on peut apprendre des premières vagues pour éviter et diminuer aussi le fardeau sur les familles canadiennes?
Dr Quoc Dinh Nguyen
C’est une excellente question et une question intéressante, parce que la troisième vague ontarienne, et on pourrait dire rest of Canada puis peut-être en excluant, et vous me corrigerez, le Manitoba, je pense que ce n’est pas la catastrophe non plus. Si on compare, à la première et deuxième vague, le Québec et l’Ontario en termes de CHSLD et en termes de capacité hospitalière se ressemblaient. C’est sûr que ce n’était pas parfait. Comment on compte les décès en Ontario et au Québec, on comprend que c’est assez différent, mais grosso modo c’était, disons, la même pandémie, la même épidémie. Quand on regarde jusqu’à maintenant ce qui en est devenu de la troisième vague, au Québec c’est sans commune mesure avec ce qui se passe en Ontario.
J’ai dit : la première vague, c’était beaucoup les CHSLD; la deuxième vague, c’était beaucoup les hôpitaux; puis la troisième vague, ç’a l’air d’être beaucoup les soins intensifs et un peu les hôpitaux en général. Au Québec, ça reste que le réseau, là où il y a le plus de problèmes, c’est un genre de bottleneck, en bon français.
Alex Maheux
Mm.<rire>
Dr Quoc Dinh Nguyen
C’est beaucoup les soins intensifs. Sauf que la transmission de la communauté, elle est haute mais elle n’est pas catastrophique du tout, c’est-à -dire qu’on a vu dans quelques régions du Québec, à Chaudière-Appalaches puis en Outaouais, près d’Ottawa, beaucoup de cas. Ces cas ont commencé dans la dernière semaine à devenir des cas en CHSLD, mais à une proportion, à un ratio beaucoup plus bas que c’était à la première vague et aussi à la deuxième vague.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Donc, on a quand même vu des résidents qui ont commencé à être infectés. On a l’impression… au Québec, on a choisi de donner une dose du vaccin avec un report de dose de quatre mois, même pour les CHSLD. Donc, il y a quand même des gens avec des maladies un peu plus graves, quelques décès, mais la vérité c’est qu’il ne faut jamais oublier, puis on l’oublie trop facilement, qu’un CHSLD, c’est dans sa communauté. Donc, le facteur de risque no 1, d’avoir une infection ou une éclosion en CHSLD, c’est la transmission communautaire. C’est là qu’à la troisième vague québécoise, la transmission communautaire est plus haute qu’il y a deux, trois semaines, mais elle n’est pas catastrophique. Donc, la meilleure façon de protéger les Canadiens en CHSLD et les familles, c’est de garder la transmission basse. C’est un peu cette idée des provinces atlantiques qui font extrêmement bien et qui n’ont pas de gros problèmes dans leurs soins de longue durée.
Donc, je veux dire, ça, on l’a appris, je vous aurais dit, quelque part entre la première vague, mais c’est peut-être le point critique ici. Il faut… avec les vaccins, c’est… on peut se permettre plus de transmission communautaire avant que ça n’éclate en CHSLD, mais il n’en demeure pas moins qu’avec une transmission extrêmement haute, ça va quand même être très difficile. Puis encore une fois, on parle des CHSLD, mais si on rentre dans les RPA, les senior housing, c’est un peu la même histoire. Il y a beaucoup de contacts entre la communauté et ces milieux de vie où vivent les personnes âgées.
Alex Maheux
Mm-hm. J’aimerais ça aussi reparler d’un autre élément du rapport de l’ICIS qui regardait aux problèmes de santé dans les soins de longue durée non reliés à la Covid. On a parlé beaucoup des cas et des décès de la Covid, mais nous avons vu, par exemple, moins de visites des docteurs, moins de transferts aux hôpitaux, même pour les soins palliatifs qui auraient pu avoir de graves conséquences pour certains. Pouvez-vous nous parler un peu de l’impact que la Covid a eu, non relié à la Covid durant la pandémie?
Dr Quoc Dinh Nguyen
Absolument. La Covid n’est qu’une des multiples maladies ou difficultés auxquelles font face les personnes âgées, particulièrement celles en CHSLD.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
On le voit bien dans le rapport de l’ICIS, elle a quand même eu un impact sur les soins donnés aux gens de CHSLD et sur leur capacité à maintenir leurs fonctions de base, c’est-à -dire leur capacité à marcher, leur capacité à utiliser leur cerveau. En français, il y a le bon terme, le déconditionnement des aînés, c’est-à -dire d’habitude une personne âgée, pour maintenir ses fonctions, elle doit faire sa routine. C’est-à -dire si d’habitude, je ne sais pas, elle joue au bingo, qui est le cliché classique, il faut qu’elle continue à jouer au bingo pour maintenir ses activités. Si elle allait à la salle à manger, il faut qu’elle continue à aller à la salle à manger. Mais ces activités ont été perdues, donc il y a eu du déconditionnement. En plus de ça, comme je le mentionne et comme vous le mentionnez, on avait moins tendance à prioriser les soins en CHSLD par rapport aux soins hospitaliers. Le rapport de l’ICIS est très intéressant, où les fractures de hanches ou les fractures en général, je pense, étaient autant transférées que d’habitude. Ça, c’est assez clair que pour les soignants en CHSLD, ça ne se traite pas bien dans un CHSLD. Ça prend des radiographies éventuellement, souvent, après les chirurgies.
Alex Maheux
Mm-hm. Exactement.
Dr Quoc Dinh Nguyen
L’ensemble des autres, comme des pneumonies, comme des douleurs et autres, ça, il y avait une nette diminution des transferts et c’est sûr que ç’a un impact. On a souvent tendance à penser aux soins de longue durée comme étant quelque chose de différent des soins hospitaliers, puis c’est vrai, sauf qu’en même temps c’est un continuum. Les soins de santé au Canada, au Québec, ça devait s’occuper de l’ensemble du continuum des personnes âgées, très fragiles, moins fragiles. Des fois, il faut réellement se poser la question : Pourquoi on priorise autant les hôpitaux, puis quel est l’impact réel que ç’a sur les personnes âgées?
Alex Maheux
Mm-hm. Vous avez parlé beaucoup des maladies à cause de la Covid et non reliées à la Covid. Un élément dont on a surtout entendu parler aux nouvelles, c’est le stress émotionnel que la pandémie a causé. Au niveau émotionnel et mental pour les résidents, qu’est-ce que ç’a causé dans les soins de longue durée?
Dr Quoc Dinh Nguyen
C’est beaucoup de ce qu’on peut s’imaginer.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Comment je pourrais essayer de transmettre ça de la façon la plus évocatrice possible? On a tous trouvé ça extrêmement difficile comme citoyens, comme individus, comme humains finalement la Covid, de ne pas pouvoir voir nos amis, notre famille, de ne pas pouvoir faire nos activités usuelles.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Je vous dirais, les travailleurs de la santé au moins, nous, on continue à travailler. Donc, c’est déjà ça de gagné, mais je vous dirais c’est une chose d’avoir tous ces sacrifices et de comprendre pourquoi on a ces sacrifices à faire. C’est une autre, quand on est en CHSLD et donc des fois avec des atteintes cognitives, de ne pas être capable de comprendre pourquoi on nous impose tous ces sacrifices.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Toute cette idée de agency, de contrôler sa destinée, on l’a beaucoup moins en CHSLD, puis c’est particulièrement le cas durant la Covid. Je rajouterais aussi que les proches aidants… puis c’est intéressant, parce qu’au Québec on a repermis la visite des proches aidants quand même assez rapidement par rapport à l’Ontario.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr. Quoc Dinh Nguyen
Mais le fait d’avoir perdu les contacts des proches, pour les personnes âgées et même, honnêtement, pour les soignants, ce n’était pas facile puis, pour les proches aidants eux-mêmes, évidemment, de s’inquiéter de ce qui se passe. Ça aussi, c’est à considérer. La Covid est une pandémie. Pandémie, ça veut dire tous les peuples et demos. Ce n’est pas juste tous les peuples, c’est comme tous les aspects de la vie qui ont été atteints par ça, puis ça va prendre plusieurs années à bien comprendre toutes les conséquences, puis peut-être même tenter de les rectifier progressivement.
Alex Maheux
Mm-hm. C’est évidemment un domaine extrêmement difficile au moment. Vous-même, comment faites-vous face à la situation? Comment allez-vous?
Dr Quoc Dinh Nguyen
Je dirais quelque chose comme : personnellement, j’ai quand même un certain équilibre. Je pense que c’est certainement difficile pour les infirmières, on voit qu’il en manque beaucoup, beaucoup.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Puis peut-être les préposés aux bénéficiaires, les all release, qui sont sur le terrain. Ce qui manque, ce n’est pas des médecins. Je dirais les héros, les champions puis les héroïnes, je devrais dire. C’est beaucoup les infirmières puis les préposés. C’est à eux qu’on a imposé, on a demandé beaucoup à l’échelle peut-être plus comme défenseurs ou advocate des personnes âgées. Je dirais que quand c’est arrivé, tous les yeux se sont tournés vers les personnes âgées, vers les CHSLD, mais on sent que c’est de moins en moins le cas.
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Puis, tu sais, tout le monde disait : ah, c’est sûr que ça va faire changer les choses, cette pandémie. Mais la vérité, c’est, sauf si on continue à pousser, je ne suis pas convaincu que ça va changer, parce qu’encore une fois, quand les hôpitaux débordent, tous les yeux se tournent vers les soins intensifs puis les soins aigus. Donc, je ne dirais pas que je suis défaitiste ou que je ne suis pas optimiste, mais il y a quand même une certaine introspection puis un recul qu’il faut y avoir en se disant : Bien, on a vécu ça, ç’a été difficile, ça continue de l’être. Mais est-ce que vraiment on va être capable d’en tirer toutes les leçons pour que tous les sacrifices et toutes les difficultés que les gens ont vécus, à la fin ça va être net positive, que ça va être plus positif, la pandémie que négatif?
Alex Maheux
Mm-hm.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Je pense qu’il va falloir travailler très fort. Et si on me demande comment je me sens? Je me sens avec ce mix de responsabilités de faire mieux la prochaine fois sans tout à fait être capable de dire : OK, bien, this is behind us; ça, c’est derrière nous, on peut aller de l’avant. Mi-figue, mi-raisin.
Alex Maheux
<rire> Vous avez mentionné vouloir mieux faire dans l’avenir, comme chercheur et en même temps docteur. Je pense que vous êtes la personne parfaite à répondre à cette prochaine question. Qu’est-ce que l’avenir nous réserve? Comment pouvons-nous protéger nos personnes âgées, spécifiquement les résidents de soins de longue durée et des CHSLD?
Dr Quoc Dinh Nguyen
C’est une grosse question, puis c’est une question…
Alex Maheux
<rire> Oui.
Dr Quoc Dinh Nguyen
…fondamentalement importante, parce qu’un des gériatres, Ken Rockwood, qui est à Dalhousie, répète souvent que les personnes âgées qu’on voit en ce moment, ce n’est même pas les baby-boomers. C’est les parents ou les plus vieux des baby-boomers qu’on voit en CHSLD. Donc, quand ça va être les baby-boomers, les besoins pour les soins aux personnes âgées, notamment les soins de longue durée, vont juste être tellement plus intenses et tellement plus importants. Donc, c’est clair qu’il faut se poser cette question : Qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer les choses?
Le problème no 1, puis je pense que le Québec a commencé un peu, c’est le personnel. On aura beau optimiser et trouver les meilleures, tu sais, la méthode Toyota ou des façons de mieux faire avec le même monde, mais la vérité c’est que comme le nombre de personnes âgées augmente tellement rapidement, il faut plus d’humains pour aider ces personnes âgées et il n’y a aucune façon de s’éviter ça. Je pense que donc plus de personnel.
Après ça, je vous dirais, il faut probablement mieux les former aussi. Quand je pense à la formation médicale que je connais bien, il n’y a probablement pas assez de temps passé sur des problématiques gériatriques. Pourtant, les personnes âgées, de 65 ans et plus, occupent peut-être 50 % des lits, alors qu’elles ne sont certainement pas 50 % de la population. Pourtant, on ne prend pas assez de temps à parler de delirium, de dépression, de démence, de troubles de la mobilité. Donc, en médecine et en sciences infirmières et pour les préposés, si on forme mieux le personnel à s’occuper des personnes âgées, on peut faire plus avec le même nombre de personnes.
Donc, c’est de voir la personne âgée dans le continuum complet et optimiser le continuum complet et pas juste un des silos.
Je pense aussi que la technologie doit clairement faire partie de la solution. Je trouve qu’on fait des choses extraordinaires en technologie, en intelligence artificielle, mais pourtant si peu qui concerne les personnes âgées. Donc, un mélange de personnel, de formation, de technologies et tout ce qui est organisationnel, de mieux réfléchir les interfaces entre les CHSLD, les soins de longue durée et les hôpitaux aigus.
Alex Maheux
Mm-hm. Finalement, je me sens un peu obligée de vous poser la question : Est-ce que vous avez pensé à comment les soins seront organisés quand vous ferez partie de la cohorte des aînés et comment envisagez-vous votre futur à vous-même pour vos plus vieux jours?
Dr Quoc Dinh Nguyen
Tu sais, j’ai encore de nombreuses, nombreuses décennies avant de me rendre là .
Alex Maheux
<rire>
Dr Quoc Dinh Nguyen
Mais je vous dirais quelque chose comme : Ce qu’il faut comprendre, c’est cette tendance lourde démographique, elle va avoir lieu dans les 20, 30 prochaines années. Et moi, dans 20, 30 ans, je ne serai même pas si vieux que ça encore. Quelque part, si on fait bien les choses, je vais pouvoir bénéficier de tous les sacrifices que les gens auront vécus avant moi. Puis je peux vous donner l’exemple, cette pandémie, si on fait bien, on va apprendre plein de bonnes affaires. Puis peut-être que dans cinq ans, bien, on va avoir d’autres bonnes affaires qu’on va apprendre et qu’on va mettre en place. Si on ne les met pas en place, bien, on va frapper un mur, ça va être très difficile, mais je pense qu’on va trouver d’autres solutions.
Donc, j’ai quand même espoir que dans les 20, 30 prochaines années, on développe énormément les soins aux personnes âgées, ce qui fait que moi, dans peut-être 50 ans, quand j’en aurai vraiment besoin, ça va peut-être être très bien.
Alex Maheux
Vous avez mentionné avoir l’espoir. Moi aussi, je vais me joindre à vous avec avoir l’espoir. Merci encore, Dr Nguyen, de vous joindre à nous aujourd’hui et aussi pour votre travail incroyable dans le domaine.
Dr Quoc Dinh Nguyen
Ça me fait plaisir. Merci beaucoup de m’avoir reçu et de parler des aînés.
<Fin de l’enregistrement>
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Comment citer ce contenu :
Institut canadien d’information sur la santé. Répercussions de la COVID-19 sur les soins de longue durée au Canada — Dr Quoc Dinh Nguyen. Consulté le 11 avril 2025.

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